Dans un arrêt rendu le 15 janvier 2015, la Cour d’appel de Munich a déclaré inopposable la sentence arbitrale rendue par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) de Lausanne dans le litige opposant la patineuse de vitesse allemande Claudia Pechstein à l’Union Internationale de Patinage de vitesse (ISU), suite à la suspension de la patineuse pour une durée de deux ans prononcée en 2009 sur le fondement des règles anti-dopage. La compétence du TAS était fondée sur une clause d’arbitrage rédigée par l’ISU et obligatoire pour toute inscription, souscrite par la demanderesse lors de son inscription aux Championnats du monde toutes épreuves de patinage de vitesse de 2009. La Cour d’appel de Munich a tout d’abord confirmé le jugement de première instance en ce qu’il estimait que la clause d’arbitrage de 2009 ne faisait pas échec à la recevabilité de l’action de Mme Pechstein devant les tribunaux étatiques. Constatant que l’ISU dispose d’un monopole sur le marché de l’accès aux championnats mondiaux de patinage de vitesse et dès lors d’une position dominante au sens de la loi relative aux restrictions de la concurrence (« Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen » – GWB), la Cour a considéré que l’ISU est soumise aux dispositions de l’article 19 GWB dans sa version applicable jusqu’au 29 juin 2013, aux termes duquel constitue un abus de position dominante notamment le fait, pour une entreprise en position dominante, d’exiger des rémunérations ou autres conditions contractuelles qui diffèrent de celles qui existeraient selon toute probabilité en cas de concurrence effective. La Cour d’appel de Munich considère certes que le simple fait pour une Union d’exiger des sportifs souhaitant s’inscrire aux championnats de signer une clause d’arbitrage ne constitue pas en soi un abus de position dominante. Toutefois, la Cour note entre autres que les règles de procédure du TAS applicables à l’époque accordaient aux fédérations sportives une influence déterminante sur le choix des personnes pouvant être désignées en tant qu’arbitres, mettant ainsi en cause la neutralité du TAS, sans qu’il n’existe pour cela de justification objective. Or, le fait que les patineurs acceptent de soumettre tout éventuel litige les opposant à une union sportive à un tribunal arbitral dont la composition est largement déterminée par les unions sportives est dû, selon la Cour, au monopole de l’Union, la conséquence étant de priver la demanderesse de son droit d’accès à son juge étatique, en violation de l’article 101 de la Loi Fondamentale (« Grundgesetz » – GG). La Cour d’appel de Munich considère par conséquent que la clause d’arbitrage en cause est nulle car contraire aux lois de police. Compte tenu de la violation du droit allemand de la concurrence et de la Loi Fondamentale par la clause d’arbitrage, la Cour d’appel de Munich infirme dans un second temps le jugement de première instance, puisqu’elle considère que la sentence arbitrale heurte l’ordre public et ne peut dès lors être reconnue. La Cour d’appel considère ainsi que les juridictions allemandes ne sont pas liées par la sentence arbitrale et peuvent donc se prononcer sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme Pechstein. Compte tenu de l’importance de l’affaire et de ses conséquences potentielles sur les conventions d’arbitrage en matière de sport international, la Cour d’appel de Munich a autorisé le pourvoi en cassation. L’ISU a d’ailleurs déjà fait part de son intention de se pourvoir en cassation devant la Cour Suprême d’Allemagne contre cet arrêt.

OLG Munich, Arrêt du 15 janvier 2015, Az. U 1110/14 Kart